Mychèle Amou n'est plus à présenter, elle est la clef
de voûte du BéDéEuh, institution la plus importante de l'ESSEC,
après l'Impertinent et Natacha ( Rue Guersant Paris 17 ), bien sûr!
Cela fera exactement 20 ans en Octobre que Mychèle occupe le poste de secrétaire,
pour te dire mon gars que des campagnes, elle en a vues des vertes et des pas
mûres - 21 au total. Voici donc en exclusivité le fruit de cette
interview ...
L'Impertinent : "Quelles sont les campagnes qui vous
ont le plus marquée ?" Mychèle : "Les premières
étaient beaucoup plus politisées, jusqu'en 1979. Il fut un temps
où un syndicat, l'UGE - Union des Grandes Ecoles - réunissait près
de 70 % des ESSEC. Et là il y avait vraiment un problème de politique
: je suis arrivée à Cergy avec un "collectif gauchiste"
et après j'ai eu un bureau d'extrême droite. Mais ça c'est
toujours bien passé. Je me rappelle qu'à son arrivée à
Cergy le collectif a fait une grande fête populaire à l'ESSEC avec
les gens de la ville, avec orchestre dans le hall: la java, la valse, le tango
et des jeux qu'on trouve dans les fêtes foraines avec des cochons d'Inde...
Le collectif gauchiste n'a rien laissé derrière lui, il n'y avait
plus d'archive, plus un papier, le bureau était nu lorsque les autres sont
arrivés. Ils avaient quand même laissé mes affaires, c'était
normal. En 1974, pendant les élections présidentielles, il y
avait des royalistes à l'ESSEC; à l'époque tous les partis
se présentaient. Il y a eu justement une campagne qui a été
marquante: celle d'une liste bidon d'un garçon issu d'une famille noble
qui, parce qu'il y avait des nobles qui se prenaient très au sérieux
( liste Noble power), a fait une super campagne sur la mezzanine en organisant
des petits jeux tout à fait idiots, achetant des baguettes de pain et donnant
un petit morceau de pain comme lot pour montrer -vraiment aux autres qu'il se
foutait d'eux." L'I: "C'est dingue ça !!! J'imaginais même
pas des trucs comme ça ! Et la politique déteignait sur les manifestations
?" M : "Oui, mais les assoces étaient différentes
d'aujourd'hui, il y en avait peu : Les Mardis de L'ESSEC, La Junior, l'AIESSEC;
et puis on débarquait de la rue d'Assas, le couloir des assoces n'existait
pas. Après, les campagnes ont commencé à devenir vraiment
moins politisées. Pour en revenir au BDE, les campagnes sont tout à
fait différentes mais il y a toujours des histoires de personnes. Certains
le prennent à cur ( et qui ratent leur stage à cause de ça
). Cette année c'est vraiment très sérieux et je suis persuadée
qu'il y aura des cassures importantes; des gens qui s'entendent très bien
mais qui sont dans des listes concurrentes. L'I :"Le programme d'une
liste non élue est-il définitivement perdu?" M : "Oui,
malheureusement. Pourquoi on n'arriverait-on pas à réaliser un projet
intéressant en faisant une petite coopération ? Des supers idées
ne sont pas réalisées". L'I : "Nous avons découvert
qu'il y a une troisième liste sérieuse en course, ça fait
peut-être beaucoup?" M : "En fait c'est un problème
de locaux, lorsqu'il y a eu trois listes sérieuses, l'une qui s'est retrouvée
dans un coin de la K-fet alors que les autres étaient dans le GH et le
gymnase, je voyais vraiment cette liste se prendre une claque... c'est elle qui
a été élue: l'élection ne se joue pas uniquement sur
les animations, le programme est important mais la campagne doit tout de même
marquer les gens. L'I : "Et le spectacle, qu'en pensez-vous?" M:
"Je trouve qu'il prend un peu trop d'importance et qu'il était trop
long l'année dernière. Plus ça va, et plus les listes BDE
deviennent sérieuses. A propos de cette campagne, je déplore qu'une
fille ait failli être présidente d'une liste et finalement que ce
soit un garçon qui ait été élu. A une seule reprise
il y a eu une fille présidente et ça s'est très bien passé...
Les garçons sont quand même phallocrates pourtant elle a eu un trésorier
AST qui venait des Arts & Métiers, tu vois, décontract cool
qui l'a soutenue à mort. J'aimerais bien que ça se renouvelle. Il
fut un temps où c'était de vraies campagnes électorales,
il y avait un tour présidentiel, les sponsors donnaient des sommes phénoménales,
ça écurait même la direction... C'est un peu normal
et au niveau bouffe, il y avait un gâchis monstre. Il faut que ça
reste dans le cadre étudiant. L'I : "Ca veut dire que pendant
la campagne, les étudiants qui ne sont engagés dans des listes essaient
à tout prix de gagner tous les lots ??" M : "Ca oui...
parce que c'est tout à fait l'esprit ESSEC. Quel ESSEC ne voudrait pas
gagner un lot T'en connais beaucoup toi ???" L'I : " Oui, nous" M:
"Quelques-uns, mais en principe pendant la campagne les gens, et d'ailleurs
même le BDE sortant se font un plaisir d'aller faire la course aux jeux
pour gagner des lots." Au fond à gauche : " mais c'est
vrai qu'on est un peu frustré de ne pas en avoir..." M: "
Oui, eux ils n'ont pas du tout profité de leur campagne, au contraire ils
ont bossé comme des fous parce que ça demande un travail énorme,
contrairement à ce que les gens pensent. En fait, quand on veut être
au BDE, entre la préparation de la campagne et le BDE, ça prend
largement plus d'un an et demi de scolarité. C'est vrai que le BDE c'est
quand même quelque chose d'important mais il faut pas que ce soit la vie
de l'ESSEC à 100 % L'I : "Avez vous des anecdotes sur les campagnes
B DE précédentes?"" M: "Si, il y a l'anecdote
des animaux !!! Dans les statuts il est interdit d'avoir des animaux parce qu'au
cours d'une campagne des étudiants avaient fait venir des animaux dans
l'ESSEC: il y avait des canards et un poney qui s'est tiré dans le parc
de la préfecture; alors tous les gens qui étaient en cours sont
sortis par les fenêtres pour essayer de le rattraper. C'était pourtant
une liste sérieuse. Si, en anecdote, j'ai quand même eu une liste
bidon qui a été élue. Il y avait une liste qui s'appelait
IRISAS formée uniquement d'étudiants de première année.
Les gens de seconde et troisième année ne voulaient pas de première
année au BDE, ceux-ci venaient juste d'intégrer, les élections
étaient alors en décembre. Ils se sont donc tous ligués contre
cette liste. La liste bidon composée de secondes années a été
ainsi élue. Par contre la fameuse liste IRISAS s'est représentée
en seconde année et a été élue haut la main. L'I
: "Y a-t-il toujours eu 20 personnes sur les listes BDE?" M: "Non,
avant ils étaient 7 et c'est ce qui est marqué dans les statuts.
D'ailleurs, je trouve que les BDE actuels souffrent d'un effectif trop nombreux
de sorte que parfois les gens ne font plus rien car ils pensent que s'ils ne font
pas telle chose, ce sera quelqu'un d'autre qui le fera à leur place. L'I:
"Comment s'effectue la répartition des locaux pour la campagne des
listes ?" M: "On fait une note disant que durant les trois jours
de campagne, il faut répartir équitablement des locaux. On convoque
donc un membre de chaque liste, y compris des listes bidons si elles le veulent,
et on affecte les locaux aux listes de façon alternative en faisant une
sorte de tirage au sort. En général, les listes bidons se mettent
sur la mezzanine, dans les endroits de passage. Les listes bidon, c'est surtout
des tracts marrants dans les casiers." L'I : "Y a-t-il déjà
eu des problèmes au cours d'élections?" M : "Non,
il n'y a jamais eu de problème sauf quand même des petits coups qui
se font en dessous pendant la campagne : il y a l'histoire de la chasse aux cartes
d'étudiant, puisqu'on a le droit de voter avec une procuration non écrite,
la carte d'étudiant ESSEC uniquement, pas la carte bibliothèque
parce que tu peux aller en chercher 15, ni de mots écrits parce que moi
des mots, je t'en écris autant que tu veux. Donc, surtout entre le
ler et le 2nd tour, ils se répartissent la liste des étudiants de
troisième année ainsi que des gens qui n'ont pas voté au
premier tour et passent leur temps à téléphoner : "Tu
peux me donner ta carte pour les élections". L'I : "Précisément,
comment se déroule la campagne ?" M : "Trois ou quatre
personnes se chargent du vote proprement dit, je coche et mets le bulletin dans
1'urne. Les deux listes sont là à l'entrée de la porte et
cochent également pour vérifier qu'on a bien le même nombre
de votants. Une fois on a aussi piqué l'urne. Le meilleur copain du
président sortant s'est fait le plaisir de la piquer C'était Ben
0 chi qui s'en allait, ils sont arrivés, le visage masqué, avec
une voiture derrière le BDE mais j'ai rien vu. J'ai entendu d'un seul coup
des hurlements dans le hall et j'ai dit "ça y est ils sont en train
de piquer l'urne". Alors, on a retrouvé l'urne perchée dans
un arbre avec les votes dépouillés ce qui a nuit à 1a liste
en tête. Au troisième tour, cette liste avait perdu des voix mais
a quand même été élue. Depuis, quand l'urne s'en va
je demande qu'il y ait des gros bras qui partent avec." L'I : "Je
pense que les recruteurs d'entreprises accordent beaucoup d'importance à
l'activité associative, au BDE en particulier... " M : "Oh
oui ça bien sûr, un type qui a été président
du BDE, ou même membre du BDE ( le BDE de l'ESSEC c'est quand même
pas le BDE d'une petite école ) c'est quelqu'un de dynamique, charismatique.
Et même pour HEC ou l'ESCP, c'est un plus. Mais ils en profitent au maximum
: ils marquent tout sur leur CV... Cependant, certains ne se rendent pas toujours
compte du travail à faire, surtout le trésorier qui doit souvent
s'impliquer plus que les autres. Même si, légalement, le président
est responsable vis à vis de la loi le trésorier peut tirer des
chèques sans provisions, c'est grave." L'I : " Quels étaient
l'esprit et le contenu des campagnes il y a 15 ans ??" M: "Par
les animations, ils disaient qu'il allait y avoir des boums, il y avait un programme
mais pendant campagne ils faisaient des jeux, comme tourner avec un caddy en poussant
quelqu'un dedans comme une bombe, aller et retour dans le couloir ou du ski sur
herbe dans le couloir. Des trucs comme ça. Et puis ils arrivent à
avoir de super lots. Maintenant, c'est les concours de danse. Pratiquement
tous les ans, je fais parti d'un jury. L'année dernière, c'était
la dirty dance; avant c'était la lambada. Mais la dirty dance, franchement,
ceux qui ont gagné étaient vraiment dirty. Ils ont gagné
un voyage, à 1'lle Maurice, je crois. Ca valait le coup. Mais fille, il
fallait se mettre à sa place. Elle a eu le courage de le faire: c'était
une ESSEC quand même! Tout ça c'est des choses classiques qu'on retrouvera
toujours. C'est dans la tradition estudiantine. Ils ont fait faire du parachute
ascensionnel aussi. Ils ont fait venir des auto tamponneuses, ou un hélicoptère L'I:
"Et le GH n'a jamais été transformé en piscine ??" M:
"Si, il y a eu une toute petite piscine une fois il y a deux ans. Les deux
présidents se sont battus dans la piscine avec de la mousse, c'était
une petite piscine qu'on avait au BDE. Il y a eu le combat en couches culottes:
on leur mettait des couches culottes comme pour les sumos aux filles et aux garçons.
Ce sont une fille et un garçon qui se sont battus: le type était
un malabar et la fille, elle était aussi au BDS, mais elle était
très fine. Au début, il s'est un peu battu avec elle et puis d'un
seul coup, il l'a prise en la faisant tourner et ils se sont retrouvés
dans les coussins en mousse du gymnase. Ce sont des ambiances de ce genre, mais
ça ne sort pas spécialement de l'ordinaire. Mais les campagnes
ont dévié : comme il y a plus de gens, ça leur permet de
faire plus d'animations, de trouver plus de sponsors. Au début, les campagnes
étaient gentillettes. La première campagne que j'ai vue c'était
un lâcher de poules du dernier étage de la catho : la campagne, c'était
vraiment rien mais c'était très politisé. Pour moi c'était
des soixante-huitards. D'ailleurs si on regarde le trésorier du BDE collectif,
salarié dans une grosse usine du type Renault et c'est un véritable
meneur d'hommes pour les grèves. Ca c'était l'état
d'esprit. Mais il y avait de tout: des maoïstes, des trotskistes... Il y
en avait un qui élevait ses moutons dans l'Ardèche Il est venu en
décembre avec une camionnette pleine de pailles pour voter, pour ne pas
qu'ils perdent de voix : il s'appelait Michel Denis. Ses parents croyaient qu'il
était à l'ESSEC, alors qu'on lui prenait les cours dans son casier,
et qu'on lui envoyait en Ardèche. Quand sa mère l'appelait, on le
contactait en Ardèche pour lui dire de la rappeler. Ce type a été
absent de l'école pendant un an. Il y avait plus de choses typiques et
pittoresques quand c'était politisé, c'est vrai... Mais ça
a également changé en bien, depuis que c'est moins politisé.
A la cafétéria, on voyait où étaient les gauchistes,
où étaient les gens d'extrême droite : Quand on entre dans
la K-fet, à gauche c'était l'extrême droite et à l'autre
bout c'était les gauchistes" L'I : "Mais alors tout le
monde était extrême droite ou extrême gauche ???" M:
"Il n'y avait pas tellement de gens modérés. Alors, l'extrême
droite formait un noyau vraiment très fort tandis que parmi les gauchos
il y avait des mecs du PS. C'était particulier. Le collectif avait créé
une garderie pour les enfants du personnel de l'ESSEC et ma fille, à partir
de trois ans, venait avec moi à l'ESSEC: c'était la mascotte du
BDE jusqu'à 12 ans tous les gens du BDE la connaissaient et chahutaient
avec elle, elle allait à la garderie. Ils ont même fait la garderie
dans les apparts avec de la paille L'I: "Mais ils avaient vraiment
craqué..." M: "Non mais, c'est dire l'état d'esprit
des gens du BDE qui avaient fondé ça : ils trouvaient normal que
les gens du personnel, comme ça se fait dans les grandes entreprises, aient
une crèche. Il y avait de 20 à 30 gosses, mais ils n'étaient
pas assurés. C'est pour ça que la direction a mis le hola. S'il
était arrivé un accident à un gosse... Ce début,
je l'ai trouvé folklorique, alors que maintenant, c'est sympa mais il n'y
a pas du tout la même mentalité. L'I : "Comment se comporte,
en général, le BDE sortant? M: Pendant un certain temps ils
ne rentrent pas, ils ne veulent pas être de trop, ce n'est plus leur domaine.
Par contre ils sont malheureux, ils tournent comme des bêtes, et pendant
un mois ils sont vraiment paumés, perdus. L'I :"Alors ils vont
boire au FOY'S pour oublier
M: Presque ! Non mais ils ont tendance
à vouloir entrer dans le BDE pour poser leurs serviettes, leurs affaires.
Ca a quand même été chez eux pendant un an. Il y a d'autres
assoces comme ça, mais ce n'est pas pareil, on n'y vient pas directement
par soi-même. L'I: "Dernière question: est-ce que vous
auriez un bilan du BDE sortant ?" M: "Ah non, je ne peux pas le
dire, c'est gênant." L'I: "Ils ont été bons
???" M: "Ils ont bien bossé mais ce que je reproche, c'est
qu'il y a eu des hauts et des bas, ça a été en dents de scie.
Cette année peut être plus qu'auparavant. On a bien travaillé
pour la Nuit, mais maintenant, on approche du Gala." L'I : " Ah
bon, on n'en entend pas parler" M : " ... Je me pose des questions...
Mais que vous vous n'en entendiez pas parler, ce n'est pas grave mais qu'ici on
n'en parle pas, c'est plus grave."
|