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Spécial campagne 1991
Numéro 4

 
Interview de Mychèle AMOU


Mychèle Amou n'est plus à présenter, elle est la clef de voûte du BéDéEuh, institution la plus importante de l'ESSEC, après l'Impertinent et Natacha ( Rue Guersant Paris 17 ), bien sûr! Cela fera exactement 20 ans en Octobre que Mychèle occupe le poste de secrétaire, pour te dire mon gars que des campagnes, elle en a vues des vertes et des pas mûres - 21 au total. Voici donc en exclusivité le fruit de cette interview ...

L'Impertinent : "Quelles sont les campagnes qui vous ont le plus marquée ?"

Mychèle : "Les premières étaient beaucoup plus politisées, jusqu'en 1979. Il fut un temps où un syndicat, l'UGE - Union des Grandes Ecoles - réunissait près de 70 % des ESSEC. Et là il y avait vraiment un problème de politique : je suis arrivée à Cergy avec un "collectif gauchiste" et après j'ai eu un bureau d'extrême droite. Mais ça c'est toujours bien passé. Je me rappelle qu'à son arrivée à Cergy le collectif a fait une grande fête populaire à l'ESSEC avec les gens de la ville, avec orchestre dans le hall: la java, la valse, le tango et des jeux qu'on trouve dans les fêtes foraines avec des cochons d'Inde...
Le collectif gauchiste n'a rien laissé derrière lui, il n'y avait plus d'archive, plus un papier, le bureau était nu lorsque les autres sont arrivés. Ils avaient quand même laissé mes affaires, c'était normal.
En 1974, pendant les élections présidentielles, il y avait des royalistes à l'ESSEC; à l'époque tous les partis se présentaient. Il y a eu justement une campagne qui a été marquante: celle d'une liste bidon d'un garçon issu d'une famille noble qui, parce qu'il y avait des nobles qui se prenaient très au sérieux ( liste Noble power), a fait une super campagne sur la mezzanine en organisant des petits jeux tout à fait idiots, achetant des baguettes de pain et donnant un petit morceau de pain comme lot pour montrer -vraiment aux autres qu'il se foutait d'eux."

L'I: "C'est dingue ça !!! J'imaginais même pas des trucs comme ça ! Et la politique déteignait sur les manifestations ?"

M : "Oui, mais les assoces étaient différentes d'aujourd'hui, il y en avait peu : Les Mardis de L'ESSEC, La Junior, l'AIESSEC; et puis on débarquait de la rue d'Assas, le couloir des assoces n'existait pas. Après, les campagnes ont commencé à devenir vraiment moins politisées.
Pour en revenir au BDE, les campagnes sont tout à fait différentes mais il y a toujours des histoires de personnes. Certains le prennent à cœur ( et qui ratent leur stage à cause de ça ). Cette année c'est vraiment très sérieux et je suis persuadée qu'il y aura des cassures importantes; des gens qui s'entendent très bien mais qui sont dans des listes concurrentes.

L'I :"Le programme d'une liste non élue est-il définitivement perdu?"

M : "Oui, malheureusement. Pourquoi on n'arriverait-on pas à réaliser un projet intéressant en faisant une petite coopération ? Des supers idées ne sont pas réalisées".

L'I : "Nous avons découvert qu'il y a une troisième liste sérieuse en course, ça fait peut-être beaucoup?"

M : "En fait c'est un problème de locaux, lorsqu'il y a eu trois listes sérieuses, l'une qui s'est retrouvée dans un coin de la K-fet alors que les autres étaient dans le GH et le gymnase, je voyais vraiment cette liste se prendre une claque... c'est elle qui a été élue: l'élection ne se joue pas uniquement sur les animations, le programme est important mais la campagne doit tout de même marquer les gens.

L'I : "Et le spectacle, qu'en pensez-vous?"

M: "Je trouve qu'il prend un peu trop d'importance et qu'il était trop long l'année dernière. Plus ça va, et plus les listes BDE deviennent sérieuses. A propos de cette campagne, je déplore qu'une fille ait failli être présidente d'une liste et finalement que ce soit un garçon qui ait été élu. A une seule reprise il y a eu une fille présidente et ça s'est très bien passé... Les garçons sont quand même phallocrates pourtant elle a eu un trésorier AST qui venait des Arts & Métiers, tu vois, décontract cool qui l'a soutenue à mort. J'aimerais bien que ça se renouvelle. Il fut un temps où c'était de vraies campagnes électorales, il y avait un tour présidentiel, les sponsors donnaient des sommes phénoménales, ça écœurait même la direction... C'est un peu normal et au niveau bouffe, il y avait un gâchis monstre. Il faut que ça reste dans le cadre étudiant.

L'I : "Ca veut dire que pendant la campagne, les étudiants qui ne sont engagés dans des listes essaient à tout prix de gagner tous les lots ??"

M : "Ca oui... parce que c'est tout à fait l'esprit ESSEC. Quel ESSEC ne voudrait pas gagner un lot T'en connais beaucoup toi ???"

L'I : " Oui, nous"

M: "Quelques-uns, mais en principe pendant la campagne les gens, et d'ailleurs même le BDE sortant
se font un plaisir d'aller faire la course aux jeux pour gagner des lots."

Au fond à gauche : " mais c'est vrai qu'on est un peu frustré de ne pas en avoir..."

M: " Oui, eux ils n'ont pas du tout profité de leur campagne, au contraire ils ont bossé comme des fous parce que ça demande un travail énorme, contrairement à ce que les gens pensent. En fait, quand on veut être au BDE, entre la préparation de la campagne et le BDE, ça prend largement plus d'un an et demi de scolarité. C'est vrai que le BDE c'est quand même quelque chose d'important mais il faut pas que ce soit la vie de l'ESSEC à 100 %

L'I : "Avez vous des anecdotes sur les campagnes B DE précédentes?""

M: "Si, il y a l'anecdote des animaux !!! Dans les statuts il est interdit d'avoir des animaux parce qu'au cours d'une campagne des étudiants avaient fait venir des animaux dans l'ESSEC: il y avait des canards et un poney qui s'est tiré dans le parc de la préfecture; alors tous les gens qui étaient en cours sont sortis par les fenêtres pour essayer de le rattraper. C'était pourtant une liste sérieuse.
Si, en anecdote, j'ai quand même eu une liste bidon qui a été élue. Il y avait une liste qui s'appelait IRISAS formée uniquement d'étudiants de première année. Les gens de seconde et troisième année ne voulaient pas de première année au BDE, ceux-ci venaient juste d'intégrer, les élections étaient alors en décembre. Ils se sont donc tous ligués contre cette liste. La liste bidon composée de secondes années a été ainsi élue. Par contre la fameuse liste IRISAS s'est représentée en seconde année et a été élue haut la main.

L'I : "Y a-t-il toujours eu 20 personnes sur les listes BDE?"

M: "Non, avant ils étaient 7 et c'est ce qui est marqué dans les statuts. D'ailleurs, je trouve que les BDE actuels souffrent d'un effectif trop nombreux de sorte que parfois les gens ne font plus rien car ils pensent que s'ils ne font pas telle chose, ce sera quelqu'un d'autre qui le fera à leur place.

L'I: "Comment s'effectue la répartition des locaux pour la campagne des listes ?"

M: "On fait une note disant que durant les trois jours de campagne, il faut répartir équitablement des locaux. On convoque donc un membre de chaque liste, y compris des listes bidons si elles le veulent, et on affecte les locaux aux listes de façon alternative en faisant une sorte de tirage au sort. En général, les listes bidons se mettent sur la mezzanine, dans les endroits de passage. Les listes bidon, c'est surtout des tracts marrants dans les casiers."

L'I : "Y a-t-il déjà eu des problèmes au cours d'élections?"

M : "Non, il n'y a jamais eu de problème sauf quand même des petits coups qui se font en dessous pendant la campagne : il y a l'histoire de la chasse aux cartes d'étudiant, puisqu'on a le droit de voter avec une procuration non écrite, la carte d'étudiant ESSEC uniquement, pas la carte bibliothèque parce que tu peux aller en chercher 15, ni de mots écrits parce que moi des mots, je t'en écris autant que tu veux.
Donc, surtout entre le ler et le 2nd tour, ils se répartissent la liste des étudiants de troisième année ainsi que des gens qui n'ont pas voté au premier tour et passent leur temps à téléphoner : "Tu peux me donner ta carte pour les élections".

L'I : "Précisément, comment se déroule la campagne ?"

M : "Trois ou quatre personnes se chargent du vote proprement dit, je coche et mets le bulletin dans 1'urne. Les deux listes sont là à l'entrée de la porte et cochent également pour vérifier qu'on a bien le même nombre de votants.
Une fois on a aussi piqué l'urne. Le meilleur copain du président sortant s'est fait le plaisir de la piquer C'était Ben 0 chi qui s'en allait, ils sont arrivés, le visage masqué, avec une voiture derrière le BDE mais j'ai rien vu. J'ai entendu d'un seul coup des hurlements dans le hall et j'ai dit "ça y est ils sont en train de piquer l'urne". Alors, on a retrouvé l'urne perchée dans un arbre avec les votes dépouillés ce qui a nuit à 1a liste en tête. Au troisième tour, cette liste avait perdu des voix mais a quand même été élue. Depuis, quand l'urne s'en va je demande qu'il y ait des gros bras qui partent avec."

L'I : "Je pense que les recruteurs d'entreprises accordent beaucoup d'importance à l'activité associative, au BDE en particulier... "

M : "Oh oui ça bien sûr, un type qui a été président du BDE, ou même membre du BDE ( le BDE de l'ESSEC c'est quand même pas le BDE d'une petite école ) c'est quelqu'un de dynamique, charismatique. Et même pour HEC ou l'ESCP, c'est un plus. Mais ils en profitent au maximum : ils marquent tout sur leur CV... Cependant, certains ne se rendent pas toujours compte du travail à faire, surtout le trésorier qui doit souvent s'impliquer plus que les autres. Même si, légalement, le président est responsable vis à vis de la loi le trésorier peut tirer des chèques sans provisions, c'est grave."

L'I : " Quels étaient l'esprit et le contenu des campagnes il y a 15 ans ??"

M: "Par les animations, ils disaient qu'il allait y avoir des boums, il y avait un programme mais pendant campagne ils faisaient des jeux, comme tourner avec un caddy en poussant quelqu'un dedans comme une bombe, aller et retour dans le couloir ou du ski sur herbe dans le couloir. Des trucs comme ça. Et puis ils arrivent à avoir de super lots.
Maintenant, c'est les concours de danse. Pratiquement tous les ans, je fais parti d'un jury. L'année dernière, c'était la dirty dance; avant c'était la lambada. Mais la dirty dance, franchement, ceux qui ont gagné étaient vraiment dirty. Ils ont gagné un voyage, à 1'lle Maurice, je crois. Ca valait le coup. Mais fille, il fallait se mettre à sa place. Elle a eu le courage de le faire: c'était une ESSEC quand même! Tout ça c'est des choses classiques qu'on retrouvera toujours. C'est dans la tradition estudiantine.
Ils ont fait faire du parachute ascensionnel aussi. Ils ont fait venir des auto tamponneuses, ou un hélicoptère

L'I: "Et le GH n'a jamais été transformé en piscine ??"

M: "Si, il y a eu une toute petite piscine une fois il y a deux ans. Les deux présidents se sont battus dans la piscine avec de la mousse, c'était une petite piscine qu'on avait au BDE.
Il y a eu le combat en couches culottes: on leur mettait des couches culottes comme pour les sumos aux filles et aux garçons. Ce sont une fille et un garçon qui se sont battus: le type était un malabar et la fille, elle était aussi au BDS, mais elle était très fine. Au début, il s'est un peu battu avec elle et puis d'un seul coup, il l'a prise en la faisant tourner et ils se sont retrouvés dans les coussins en mousse du gymnase. Ce sont des ambiances de ce genre, mais ça ne sort pas spécialement de l'ordinaire.
Mais les campagnes ont dévié : comme il y a plus de gens, ça leur permet de faire plus d'animations, de trouver plus de sponsors. Au début, les campagnes étaient gentillettes. La première campagne que j'ai vue c'était un lâcher de poules du dernier étage de la catho : la campagne, c'était vraiment rien mais c'était très politisé. Pour moi c'était des soixante-huitards. D'ailleurs si on regarde le trésorier du BDE collectif, salarié dans une grosse usine du type Renault et c'est un véritable meneur d'hommes pour les grèves.

Ca c'était l'état d'esprit. Mais il y avait de tout: des maoïstes, des trotskistes... Il y en avait un qui élevait ses moutons dans l'Ardèche Il est venu en décembre avec une camionnette pleine de pailles pour voter, pour ne pas qu'ils perdent de voix : il s'appelait Michel Denis. Ses parents croyaient qu'il était à l'ESSEC, alors qu'on lui prenait les cours dans son casier, et qu'on lui envoyait en Ardèche. Quand sa mère l'appelait, on le contactait en Ardèche pour lui dire de la rappeler. Ce type a été absent de l'école pendant un an. Il y avait plus de choses typiques et pittoresques quand c'était politisé, c'est vrai...
Mais ça a également changé en bien, depuis que c'est moins politisé. A la cafétéria, on voyait où étaient les gauchistes, où étaient les gens d'extrême droite : Quand on entre dans la K-fet, à gauche c'était l'extrême droite et à l'autre bout c'était les gauchistes"

L'I : "Mais alors tout le monde était extrême droite ou extrême gauche ???"

M: "Il n'y avait pas tellement de gens modérés. Alors, l'extrême droite formait un noyau vraiment très fort tandis que parmi les gauchos il y avait des mecs du PS. C'était particulier. Le collectif avait créé une garderie pour les enfants du personnel de l'ESSEC et ma fille, à partir de trois ans, venait avec moi à l'ESSEC: c'était la mascotte du BDE jusqu'à 12 ans tous les gens du BDE la connaissaient et chahutaient avec elle, elle allait à la garderie. Ils ont même fait la garderie dans les apparts avec de la paille

L'I: "Mais ils avaient vraiment craqué..."

M: "Non mais, c'est dire l'état d'esprit des gens du BDE qui avaient fondé ça : ils trouvaient normal que les gens du personnel, comme ça se fait dans les grandes entreprises, aient une crèche. Il y avait de 20 à 30 gosses, mais ils n'étaient pas assurés. C'est pour ça que la direction a mis le hola. S'il était arrivé un accident à un gosse...
Ce début, je l'ai trouvé folklorique, alors que maintenant, c'est sympa mais il n'y a pas du tout la même mentalité.

L'I : "Comment se comporte, en général, le BDE sortant?

M: Pendant un certain temps ils ne rentrent pas, ils ne veulent pas être de trop, ce n'est plus leur domaine. Par contre ils sont malheureux, ils tournent comme des bêtes, et pendant un mois ils sont vraiment paumés, perdus.

L'I :"Alors ils vont boire au FOY'S pour oublier…

M: Presque ! Non mais ils ont tendance à vouloir entrer dans le BDE pour poser leurs serviettes, leurs affaires. Ca a quand même été chez eux pendant un an. Il y a d'autres assoces comme ça, mais ce n'est pas pareil, on n'y vient pas directement par soi-même.

L'I: "Dernière question: est-ce que vous auriez un bilan du BDE sortant ?"

M: "Ah non, je ne peux pas le dire, c'est gênant."

L'I: "Ils ont été bons ???"

M: "Ils ont bien bossé mais ce que je reproche, c'est qu'il y a eu des hauts et des bas, ça a été en dents de scie. Cette année peut être plus qu'auparavant. On a bien travaillé pour la Nuit, mais maintenant, on approche du Gala."

L'I : " Ah bon, on n'en entend pas parler"

M : " ... Je me pose des questions... Mais que vous vous n'en entendiez pas parler, ce n'est pas grave mais qu'ici on n'en parle pas, c'est plus grave."


Interview réalisée par Arnaud Tacconi et Serge Touati.

 
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