Avant
de répondre à vos questions, je tiens à préciser que
les positions que je vais prendre nengagent que moi et ne sont pas nécessairement
représentatives de celles de lensemble du Corps Professoral, même
si un certain nombre de mes collègues partagent mes vues sur les problèmes
que nous allons aborder.
Pensez-vous que le projet MERCURE et en particulier
lassociation avec dautres Ecoles soit profitable à lESSEC
? Voilà une bonne question !
Elle me permet dentrée
de souligner une autre manière dapprocher les problèmes.
Quest-ce
que Mercure aujourdhui ? Une annonce, des perspectives et un partenariat.
Lannonce a été particulièrement réussie -- cest
important : jaime la manière dont on parle de lESSEC dans la
presse depuis quelque temps qui change avec le temps du silence ou des articles
vengeurs. On sémeut en interne -- et notamment vous les étudiants
-- du partenariat. Soyons direct: lESC Nantes serait indigne
de nous
Ce nest surtout pas la bonne manière de prendre le
problème ! MERCURE (indépendamment de son aspect politique
qui nest pas négligeable) peut être une source dopportunités
considérables. La vraie question doit être : que va-t-on faire
de MERCURE ? Si MERCURE ne reste pas quune annonce, si on donne un vrai
contenu à MERCURE ( et rien ne laisse penser aujourdhui quil
en sera autrement), si nous nous investissons dans MERCURE, nous pouvons en tirer
un bénéfice majeur. En clair, ou bien MERCURE débouchera
sur quelques initiatives pitoyables, et ce sera un projet pitoyable. Ou bien nous
sortirons des produits excellents avec MERCURE et ce sera lESSEC
qui, fidèle à sa culture dinnovation, deviendra leader sur
un terrain majeur dans les années qui viennent
alors franchement,
le problème du partenariat
! Fixer sur lui sans avancer sur les contenus,
sur ce quon va faire réellement, sur qui va faire, avec quels moyens
est la plus mauvaise approche que lon puisse avoir.
Peut-on
supprimer des Programmes (MBA, Mastère) sils ne sont pas efficaces
? Que veut dire efficace ? Pour moi, deux situations sont possibles : -
Inefficace -- dans ce cas, le mot serait mal choisi -- peut vouloir dire en dessous
du niveau que lon peut attendre du label ESSEC
là,
pas de discussion: un tel Programme, sil existait, devrait disparaître.
- Inefficace peut aussi vouloir dire non rentable
alors
de deux choses lune: où ce Programme présente un intérêt
stratégique ou politique majeur et le Groupe doit
faire leffort de le soutenir; ou ce nest pas le cas et il doit disparaître
loi du marché!
On parle de taille critique et de notoriété
internationale de lESSEC ? Pensez vous que le défi de linternationalisation
est un pari nécessaire et réalisable ? Pari nécessaire,
cest évident. Ou nous avons une dimension internationale ou nous
avons une dimension régionale. Avoir une dimension régionale est
tout à fait intéressant et les Ecoles qui ont cette vocation peuvent
faire un travailutile, de qualité et enthousiasmant. Je ne pense pas, cependant,
que lESSEC ait vocation à être lEcole Supérieure
des Sciences Economiques de Cergy ! Maintenant, la question de linternational
nest pas simple. Toutes les Ecoles sen prévalent. Il existe
même une sorte de marché de linternational académique
(avec pseudos sommités et pseudos grandes universités étrangères).
LESSEC sera vraiment internationale lorsquun très bon étudiant
américain, danois ou australien hésitera très sérieusement
entre lune des cinq plus grandes universités américaines et
deux ou trois établissements européens dont lESSEC
lorsqu un Professeur suédois ou américain de premier plan
aura le même dilemme. Or réussir cette internationalisation là
est difficle. Il ne suffit pas denvoyer des étudiants à létranger,
de faire des cours en anglais, davoir des Professeurs étrangers pour
être international. Cela demande une réflexion sur le contenu
de notre cursus, sur son adaptation aux demandes des étudiants étrangers,
notamment dans son format (à cet égard, le MBA Luxe
est une belle opportunité), sur les rémunérations que lon
peut proposer aux Professeurs, sur la souplesse de lorganisation de leur
service
Cela demande dabord une notoriété internationale.
Celle-ci passe par trois voies : - les Professeurs qui par leurs travaux académiques
feront mieux connaître encore lESSEC dans lunivers académique
international; nombreux sont mes collègues qui sy emploient avec
succès et énergie ! - les anciens
si des ESSEC réussissent
aux Etats Unis, cest aussi lESSEC qui en tirera les bénéfices; -
la qualité de nos entreprises partenaires qui, lorsquelles ont une
grande notoriété internationale, peuvent porter notre propre notoriété
: cest là encore, lun des aspects positifs du MBA Luxe. LESSEC
doit encore travailler. Cela demande une volonté, des moyens, et une véritable
gestion de nos forces, notamment pour la ressource professorale.
Comment
être assuré que le MBA Luxe sera un succès et contribuera
au rayonnement de lESSEC ? Plus généralement, est-ce que le
lancement dautres programmes profite à lESSEC et valorise le
Label ESSEC ? Le succès du MBA Luxe, je le souhaite ! Il a de très
nombreux atouts pour réussir. Nous venons de voir quil sinscrivait
parfaitement dans la démarche dinternationalisation de lESSEC
(où il a sans doute, de ce point de vue, plus davantages que le Cursus
ESSEC même). Quant à sa conformité au Label ESSEC ? le fait
que sa conception et sa direction soient confiées à Elyette ROUX,
Professeur permanent à lESSEC dont tout le monde, et pas seulement
à Paris, connaît lexigence et lexcellence me suffisent.
Sur le lancement de Programmes, là encore, la réponse ne doit
pas être une réponse de principe. Dans Groupe ESSEC,
il y a Groupe et il y a ESSEC. Un Groupe doit vivre, créer, innover. Il
est dans la logique du Groupe de lancer de nouveaux projets. Mais dans Groupe
ESSEC, il y a aussi ESSEC. ESSEC signifie excellence. La seule question est donc
de veiller à ce que ces nouveaux Programmes soient au niveau dexigence
de lESSEC. Nous avons créé le CAGE pour en avoir la garantie.
Le fait que ces Programmes sortent du coeur de lESSEC doit en être
une autre. Reste une difficulté. Le Groupe ESSEC réunit des réalités
très différentes : ESSEC IMD, EPSCI, ESSEC
les niveaux sont
différents, même si lexigence dexcellence doit être
la même à chacun de ces niveaux. Cela implique déviter
les amalgames. Avoir suivi un module de 9 jours à lESSEC IMD ne doit
pas autoriser à dire Jai fait lESSEC ! Mais
cette question est un problème didentification de chacun des programmes
; cest au fond une question de communication. Elle na rien à
voir avec une remise en cause de la création de programmes nouveaux dès
lors que les garanties de qualité que jai évoquées
existent.
Pensez vous que laugmentation des promos de lESSEC
est dangereuse au moment où les effectifs des prepas baissent ? Que pensez-vous
du niveau où on va chercher les étudiants ? LESSEC
tire aussi sa force de son réseau. Des promotions réduites en valeur
relative cest, à terme, une perte de puissance de lESSEC (qui
souffre déjà, pour des raisons historiques, dun déficit
dans ce domaine). Où est le problème ? Le problème nest
pas celui du nombre détudiants mais de leur qualité. Le nombre
détudiants en prépas diminue. Certes. La seule question qui
mimporte est la suivante : les étudiants qui abandonnent les prépas
sont-ils les meilleurs ou les moins bons ? On va poser quil ne sagit
pas des meilleurs. Moi je veux que nous prenions les meilleurs des meilleurs.
En gros, nous nous partageons avec HEC les 800 meilleurs élèves
de prépas. Quils soient les meilleurs de 10 000 ou de 20 000 ne change
pas grande chose si les 10 000 de différence sont les moins bons. Avançons
plutôt sur la partage des 800 premiers ! Quant aux AST, on ne dira jamais
assez combien ils apportent à lESSEC. Certes nous devons exiger que
leur formation initiale soit la meilleure, et nous devons être inflexibles
sur cette exigence. Il en est de même pour les étudiants étrangers.
Mais soyons sérieux : comment espérer accueillir un nombre significatif
détudiants étrangers si nous réduisons la part des
AST ? Peut-on me démontrer que les AST sont de moins bons ESSEC que les
concours ? Là encore, il faut une exigence de qualité
réelle, concrète, vérifiée
mais pas de pétition
de principe !
Que pensez-vous de la politique de recrutement des Professeurs
? Etre Professeur à lESSEC est-ce difficile ? Voilà
une autre bonne question ! Quest-ce quun bon Prof à lESSEC
ou pour lESSEC ? Je vais vous en faire un portrait idéal. Il fait
de la recherche, beaucoup de recherche
participe à des Colloques
internationaux, publie
beaucoup
il fait des cours, de très
bon cours, très pédagogiquement travaillés
il élabore
des outils pédagogiques
il est disponible pour les élèves,
reçoit ses pupilles, dirige des UV de recherche, oriente et corrige des
rapports de stages, reçoit des élèves qui ont des états
dâme ou tout simplement des questions
il participe à
la vie de lécole, dirige une chaire, un programme, un cursus, un
département ou une filière
il fait du conseil de façon
significative
accessoirement il nest pas payé très
cher et sen contente
en plus il doit être de bonne humeur,
faire du sport et, sil a le temps, dormir un peu. Sérieusement
-- même si ce que je viens de décrire correspond à nos obligations
statutaires -- les Professeurs à lESSEC sont face à une contradiction
apparente. Ils doivent à la fois investir pédagogiquement en interne
et rayonner notamment par la recherche en externe. Cette contradiction
se règle par 3 idées simples : - tout professeur est à
la fois chercheur, conseil et pédagogue. Je minscris en faux contre
lidée quun professeur peut être bon dans lamphi
sans faire de recherche. Le beau parleur nest pas un bon Professeur
pas longtemps
pas avec un public de votre niveau
de la même
manière quun chercheur, dans certaines dimensions de sa recherche,
se nourrit de sa formulation pédagogique
quant au conseil, il est
à la fois résultat et source de lensemble. Tout Professeur
est donc une chimie complexe composée de recherche, pédagogie, expériences.
Simplement, à des moments de sa vie, il appuie sur lun de ces dimensions,
forcément au détriment des autres. - pour ces raisons, il ne
faut pas des Professeurs chercheurs et des Professeurs pédagogues. En revanche,
il faut gérer le corps professoral à la lumière de ce que
je viens de dire. Nos objectifs sont aujourdhui définis à
lannée. Erreur, sils ne se combinent pas avec une définition
à trois ou cinq ans. Cest au Doyen quil revient de gérer
le corps professoral en fonction de cette contrainte. Cest à lui
dêtre offensif dans la prise en compte du déroulement de carrière
de chacun et de lharmonie de lensemble. - il ny a pas des
tâches nobles et des tâches de second ordre. Faire un bon
cours, profond, stimulant, intéressant, est dans labsolu aussi important
que de participer à un Colloque. Je crois que nous allons bientôt
nous entendre poser la question: quenseignez-vous à vos étudiants
? comment lenseignez vous ? MERCURE va dailleurs dans ce sens. Ce
développement était un peu long, mais il est important pour répondre
à votre question et pour comprendre la question du Corps professoral. A
partir de là, il faut veiller à 3 choses: - à ce que la
rémunération -- au sens large, cest à dire comprenant
aussi les moyens de travail: assistants
-- proposée aux Professeurs
ne dissuade pas les meilleurs de venir ou de rester; - à ce que chaque
tâche des Professeurs soit également considérée, la
seule préoccupation étant quelles soient toutes assumées
avec la plus grande exigence ; - la ressource professorale doit être
gérée par le Doyen en fonction des aptitudes, des envies, des perspectives
de chacun et cela sur du moyen, voire du long terme. Cest à la
lumière de ces quelques règles que lon doit procéder
aux recrutements. Le corps professoral doit être équilibré,
donc divers. Il serait dommage que le Pédagogue (du moment)
parte ou ne vienne pas parce que ce quil fait nest pas reconnu comme
il devrait lêtre, parce que ses initiatives ne sont pas soutenues.
Il serait dommage que le Chercheur (du moment) parte ou ne vienne
pas parce quil naura pas les moyens de ses ambitions. Dans tous les
cas, le corps Professoral doit être excellent, quelles que soientt la forme
et la direction de cette excellence. Alors difficile dêtre Professeur
à lESSEC ? Cest par fois crispant, parfois décourageant,
parfois proche du sacerdoce, souvent musclé, souvent stimulant, souvent
enrichissant, parfois exaltant
toujours tonique ! Ensuite
chacun voit, à des moments de sa vie, certains aspects lemporter
sur les autres.
Le problème dinformation et de consultation
des Professeurs se pose-t-il de façon aussi aiguë que chez les étudiants
? Comment réagissent-ils aux nouvelles initiatives lancées par la
Direction générale ? Les étudiants doivent-ils être
associés aux projets ? Voilà encore une bonne question !
LESSEC a une tradition dindividualité (et non pas
dindividualisme) et dinformel. Cette tradition a longtemps
été sa force. Cela peut aussi conduire, parfois, à un fonctionnement
féodal et conservateur qui nuit à lefficacité et au
climat de linstitution. Certains projets ont été lancés
par la Direction Générale sans consultation formalisée du
Corps Professoral. Cétait à la fois dommage et sans doute
peu évitable : effet dannonce, discrétion nécessaire
sur le fond
Je crois quil faut avoir le courage de poser trois
idées claires : - des projets importants pour lavenir du Groupe
ne doivent pas être mis en oeuvre sans débat avec le Corps professoral. -
le corps Professoral regroupe maintenant plus de 70 Professeurs : cest donc
une structure lourde, qui peut sopposer, amender, accepter mais qui aura
du mal à formuler, à proposer des alternatives si elle nest
pas organisée pour le faire. Il est du devoir du Doyen danimer le
Corps professoral et de créer les structures pour permettre à la
créativité, aux initiatives (qui ne manquent pas, je vous lassure
!) et aux opinions de chacun de se fédérer et de se transformer
en propositions positives. Il doit lui même les porter et les défendre. -
le CAGE, qui réunit depuis 8 mois un petit groupe de professeurs élus
et la Direction générale, sil est en mesure de jouer pleinement
son rôle (et rien ne laisse aujourdhui penser le contraire), peut
contribuer à replacer le corps professoral là où il doit
être dans le processus de prise de décision. Quant aux étudiants,
ils sexpriment déjà au sein du Comité denseignement
et participent au Conseil de Surveillance. Il est vrai que cette participation
ne les associe pas nécessairement à la naissance des projets. Doivent-ils
lêtre ? Sans doute, mais avec voix consultative et non délibérative,
à condition quils soient représentatifs et quils sengagent,
dans certains cas, à la confidentialité. Sans multiplier les structures,
on peut imaginer que le CAGE se réunisse, à fin dinformation
et déchange, avec des élus étudiants représentatifs
du Groupe. Ceci suppose aussi une vraie conscience étudiante de la vie
du Groupe : je ne peux que la souhaiter très vivement même si je
doute parfois de sa consistance.
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